Ou comment être généreuse et prendre soin des autres sans m’oublier pour autant?
Si vous lisez ce billet, j’imagine que c’est parce que vous avez tendance à donner beaucoup de votre temps, votre énergie, votre amour etc… et que vous vous dites peut-être que ce faisant, vous vous oubliez vous-même?
Le principe de dualité
Dans notre société où selon moi, les religions et les traditions valorisent une certaine vision de l’altruisme et la générosité, il peut nous arriver d’oublier de nous inclure nous-même dans nos actions généreuses, d’autant plus qu’à contrario, s’occuper de soi est souvent interprété comme égoïste.
Il m’apparaît clairement que ce phénomène repose sur un principe de dualité qui oppose prendre soin de soi et prendre soin des autres. C'est ou l’un ou l’autre. Je suis égoïste ou je suis généreuse, bon ou méchant, j'ai raison et tu as tort, c'est bien ou mal etc...
Réduire la personne à ses actions
De plus, s’ajoute le fait de poser des étiquettes sous forme de jugements, qui généralisent et classifient la personne dans sa globalité plutôt que de regarder une action ou un comportement spécifique que cette personne a eu.
Ainsi, s’il m’arrive de refuser d’aider une collègue à déménager, parce que je suis épuisée après une semaine plus difficile que d’habitude et que je veux me reposer, suis-je égoïste pour autant?
Et si j’y vais quand même parce que j’ai la croyance qu’en effet, ce serait égoïste de ne pas l’aider alors qu’elle est seule et a besoin de soutien, et que je me retrouve avec une cheville dans le plâtre après une chute dans l’escalier et un micro-ondes cassé ? Est-ce que le soutien que j’aurai apporté à ma collègue aura été à la hauteur de mon intention ?
Se donner les moyens d'être généreux
Quand j’ai fait mon stage de premiers secours, j’ai été marquée par le conseil de base que j’ai entendu alors: sécurise la zone, fais en sorte de ne pas te mettre en danger en allant aider les autres pour, d’une part, être effectivement en mesure de les aider, et d’autre part, ne pas devenir toi-même une victime supplémentaire à secourir.
Et je trouve qu’appliquer cette maxime à la vie de tous les jours a beaucoup de sens : prendre soin de moi d’abord, non pas par égoïsme, mais pour être en mesure de mieux prendre soin des autres aussi.
Et puis, j’ai du mal à comprendre comment on peut être vraiment généreux avec les autres quand on ne l’est pas avec soi-même ?
Pour moi, il y a forcément un jour ou l'autre, une attente de contrepartie en échange de ce que je fais pour l’autre, car ce que je donne alors vient d’un endroit où il y a du manque et cela en crée encore plus.
Par ex, si je me culpabilise quotidiennement, me fais des reproches et me traite de tous les noms et que par ailleurs, je prodigue beaucoup d’empathie aux autres, j’ai de moins en moins de ressources internes pour continuer et tenir le coup; d’une manière ou d’une autre, je vais (inconsciemment) exiger un retour ou « faire payer » cette contribution à mon entourage. A moins que ce soit mon corps qui m’envoie des signaux d’alerte via des douleurs chroniques ou une maladie.
Ce n’est donc pas un don totalement désintéressé ni vraiment généreux!
Donner sans se dépouiller
Alors que quand je me donne régulièrement de l’empathie et que mon vase est plein, pour reprendre l’image que j’ai entendu Issâ Padovani utiliser, ce que je donne est « du surplus », ça ne me manquera pas et je n’attendrai vraiment rien en retour. Je me réjouirai de la reconnaissance que je recevrai éventuellement et surtout d’avoir contribué de tout mon cœur.
Pourquoi en effet, faudrait-il qu’il y ait une notion de sacrifice personnel pour que notre contribution ait de la valeur?
Non, selon moi, cela ne va pas dans le sens du respect de la vie, tout simplement. Le sacrifice n’a de sens que dans cette conception duelle du toi ou moi.
Il y a donc une question de capacité mais aussi de façon de faire.
Alors comment faire autrement que donner en se sacrifiant ou se donner à soi-même sans donner aux autres?
Dans le cas du déménagement par exemple, je peux avoir l’intention d’aider et soutenir ma collègue, tout en prenant aussi en compte mon besoin impérieux de repos. En considérant ces deux aspects ensemble, qu’est-ce que je peux imaginer comme solution, seule ou avec ma collègue?
Peut-être repousser le déménagement au lendemain, l’aider à trouver quelqu’un pour le jour J pendant que je me repose et y aller un autre jour pour l’aider à défaire les cartons… etc.
Il existe plein d’autres façons de l’aider tout en m’aidant moi-même, même si ce n’est pas mon choix préféré: oui, j’aurais préféré pouvoir être là je jour du déménagement proprement dit, parce que je sais qu’elle a besoin de soutien et que j’apprécie notre relation. Et oui, je veux vraiment me reposer pour être en forme. Alors on trouve ensemble une autre façon de faire qui nous conviendra à toutes les deux.
Personnellement, pour expérimenter régulièrement cette approche unifiante dans des situations variées, j’ai la confiance absolue qu’elle peut réconcilier les valeurs de générosité et de respect de soi, comme elle transforme des situations de potentiel conflit en occasions de créer des liens plus sincères et respectueux.
J’espère que ce partage vous inspire et vous donne envie d’en savoir plus pour essayer de vivre aussi moins de OU et plus de ET, pour allier altruisme et égoïsme!
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